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Les courants artistiques > ART BAROQUE
ART BAROQUE
L’Adoration, de Pierre Paul Rubens 

1. Baroque, art, catégorie historiographique désignant une tendance artistique dominante apparue à la fin du XVIe siècle en Italie.

Utilisé comme adjectif, le terme « baroque » s’applique aux attributs formels indépendants du contexte historique. On parlera de musique, de pensée ou de littérature « baroque » pour relever le caractère « baroque » de cette littérature, de cette pensée, ou de cette musique. Utilisé comme substantif, il désigne des formes d’expression artistique ou religieuse, comme de multiples formes d’organisations sociales. On ne peut l’extraire, ici, de son contexte mental. Dans ce dernier cas, on parlera du « baroque » dans l’Europe catholique, de la fin du XVIe siècle vers le milieu du XVIIIe siècle.

2 Définition

Les origines du mot « baroque » sont incertaines. Il proviendrait peut-être du portugais barrocco, qui signifie « perle de forme irrégulière ». Dès la fin du XVIIIe siècle, le terme « baroque » entre dans la terminologie des critiques d’art pour désigner des formes brisées s’opposant à la proportionnalité renaissante (voir Renaissance, art de la), comme aux normes antiques reprises par la tendance dite « classique » de la fin du XVIIe siècle, à savoir proportion, harmonie, équilibre et symétrie. Certains historiens d’art, comme Jakob Burckahrdt, ont considéré le baroque comme l’expression décadente de l’art renaissant, jusqu’à Heinrich Wölfflin, son disciple, qui a constaté le premier, dans ses Principes fondamentaux de l’histoire de l’art (1915), les différences entre l’art du XVIe siècle et celui du XVIIe siècle, sans toutefois pouvoir catégoriser ces changements.

L’art baroque comprend de nombreuses distinctions régionales et recouvre des réalités sociales diverses. L’historiographie récente le reconsidère en l’abordant comme un outil d’expression formel. Elle associe l’art baroque et l’art classique en faisant de la première forme expressive le refoulé de la seconde, et catégorise le tout par le terme de « baroque ». Ainsi, le baroque apparaît comme une relation complexe d’association / répulsion de deux contraires, relation qui se fonde sur un principe dit d’ordre convergent. On opérera un sous-classement ; ainsi, pour définir le baroque allant de 1590 à 1650, parlera-t-on de « plein-baroque » ou de « baroque primitif », et de « classicisme » pour désigner le baroque des années 1650-1750

2.1 Histoire

Le baroque se caractérise, en opposition à la Renaissance, par une nouvelle relation entre l’être et le monde. Alors que la Renaissance affirmait un rapport harmonieux et mathématique du microcosme vers le macrocosme (voir Microcosme et macrocosme), le baroque va, lui, opposer un lien complexe, expression hyperbolique de l’unité et de revendications identitaires, d’immanence totale et immédiate et de transcendance grandiose et univoque. La pensée baroque, à l’image de saint Ignace de Loyola, va privilégier un univers fantasmé, imaginaire, qui sera l’extrapolation de ce conflit des contraires, mais qui portera en lui ce principe de convergence. L’art baroque va alors développer la brisure, la courbure, la tension et le nœud comme expressions figuratives les mieux appropriées pour représenter ce type de conflit.

La cosmologie de Copernic apportera au baroque une assise scientifique. Car l’univers copernicien est un univers tordu, étiré, exagéré, portant la Terre aux confins d’un monde héliocentrique, et faisant de l’Homme une représentation brisée de l’Adam biblique. Galilée reprendra ces vues, et le philosophe Giordano Bruno considérera cet univers héliocentrique comme indéfini sur le plan de la qualité, et « infinitude » sur le plan de l’étendue. La découverte des Indiens du Nouveau Monde se fera l’écho, pour une large part, d’une anthropologie « baroque ». Car le « sauvage » des Amériques va évoquer, en Europe, le mythe fabuleux du gymnosophisme, mais ses pratiques anthropophages susciteront, dans le même temps, horreur et dégoût.

L’explosion du baroque a également coïncidé avec toutes les expressions de la Réforme, comme avec l’émergence des grandes puissances européennes, que ce soit la France de Louis XIV, ou l’Espagne de Philippe II. La notion d’état et celle de religion vont, tour à tour, se combattre et se confondre. Chaque état européen sera perçu comme une religion à part entière, en même temps que l’église catholique s’affirmera comme une institution européenne. Le rapport entre l’individu et l’état reproduira alors le rapport entre l’individu et Dieu.

Dans sa volonté de toucher le sentiment des foules, le baroque possède le goût du faste et du spectaculaire. Des artistes vont jouer de contrastes d’éclairage, de truquages et de machineries complexes pour susciter des effets de masse. Dans l’art sacré, les scènes édifiantes (martyres, extases et miracles) sont particulièrement appréciées.

Les peintres privilégient les compositions géométriques et jouent sur les diagonales, les jeux de perspective, les raccourcis et les effets de contre-plongée (sotto in sù). La technique du trompe-l’œil connaît un important développement, car elle sert grandement la volonté d’employer l’illusion comme l’expression figurative la plus adéquate pour susciter la force de l’imagination, seule force susceptible d’accéder à cet univers fantasmé et merveilleux. Le lyrisme et le pathétique, dans la peinture baroque, sont autant d’effets recherchés pour évoquer cette force imaginative fondamentale. Ainsi, la peinture baroque partage avec la sculpture un goût prononcé pour tout ce qui peut susciter le pathos : descriptions psychologiques des personnages, théories des passions humaines, mouvements de la pensée, mises en abyme, etc.

Enfin, en architecture, le baroque se caractérise par un penchant très net pour la dissolution dans l’espace. Exprimant un univers scindé, l’architecture baroque veut se répandre, occuper le plus d’espace possible tout en recherchant la décentration, la brisure, c’est-à-dire le seuil de la perte d’équilibre. La dissolution et la brisure seront perçues comme des expériences architecturales les mieux élaborées pour rendre compte du conflit permanent entre l’ordre et le désordre, l’Un et le multiple. à l’inverse, l’architecture classique privilégiera la concentration et la symétrie pour figurer au mieux les réalités du monde connu. L’architecte baroque voit se développer la colonne torse, les décrochements, les courbes et les lignes brisées.

3 L’art baroque en Italie : du « plein-baroque » (1590-1650) au « classicisme » (1650-1750)

Les premières manifestations du baroque apparaissent à Rome vers la fin du XVIe siècle, au terme de la période dite maniériste. Cette évolution est, en grande partie, liée au concile de Trente, qui prône une grande discipline dans la recherche d’un art sachant toucher les foules par la passion.

3.1 Peinture baroque italienne

En peinture, on distingue deux écoles fondamentales : « l’école de Bologne » et « l’école napolitaine ». Les peintures du Caravage, avec leur opposition de lumière et d’ombre très marquée, font partie de cette dernière. Les frères Carrache, refusant tout maniérisme au profit de principes de clarté, de monumentalité et d’équilibre, font partie, en revanche, de l’école de Bologne. Ces deux tendances s’avèrent décisives dans l’évolution du « plein-baroque » des années 1620-1650, et participent du style « à l’italienne ».

à Rome, le Caravage, de « l’école napolitaine », se pose comme le principal rival du Bolonais Annibal Carrache. Des œuvres telles que la Vocation et le Martyre de saint Matthieu (v. 1599-1600, église Saint-Louis-des-Français, Rome) se présentent comme le point de repère d’un « naturalisme » baroque qui trouve un écho, entre 1600 et 1620, dans les toiles d’Orazio Gentileschi et de sa fille Artemisia, ou dans celles de Bartolomeo Manfredi (v. 1580-1620). Par la suite, certains peintres étrangers venus travailler à Rome se rapprochent de ce courant : Valentin de Boulogne, Gerrit Van Honthorst et Jusepe de Ribera. Moins en vogue en Italie à partir de 1630, le caravagisme continuera cependant à influencer profondément la peinture européenne jusqu’à la fin du XVIIe siècle.

Annibal Carrache, son frère Augustin et leur cousin Ludovic, tous trois originaires de Bologne, sont les principaux représentants de la seconde tendance. Dès 1595, Annibal s’installe à Rome. Déjà célèbre pour ses fresques réalisées à Bologne, il est chargé de peindre les plafonds de la galerie du palais Farnèse à Rome (1597-1602). Cette œuvre, très significative, marque une étape décisive dans l’évolution de ce qui deviendra le « classicisme ». Cette seconde influence réunit également des artistes comme Guido Reni, le Dominiquin et Francesco Albani, dit l’Albane (1578-1660), élèves des Carrache dans leur atelier de Bologne.

C’est vers la fin des années 1620 que se développe un « plein-baroque », marqué par une théâtralité et une exubérance toutes nouvelles. Les artistes cherchent à fonder une peinture pouvant susciter une totale énergie imaginative. De 1625 à 1627, Giovanni Lanfranco décore à fresque la grande coupole de l’église Sant’Andrea della Valle (Rome) de son Assomption de la Vierge, selon les techniques de plafonnement mises au point à Parme par le Corrège. Les effets d’optique complexes de l’ensemble la placent comme l’un des premiers chefs-d’œuvre baroques. Le travail de Lanfranco à Rome (1613-1630), puis à Naples (1634-1646) aura joué un rôle fondamental dans l’évolution de ce style « à l’italienne » que Bernin magnifiera.

Les plafonds constituent un support privilégié pour développer l’art du trompe-l’œil ; Pierre de Cortone passe maître dans cet art. Il exécute notamment des fresques sur les plafonds du Grand Salon du palais Barberini à Rome (1633-1640). Entre 1676 et 1679, Giovanni Battista Gaulli, dit le Baciccia, réalise une œuvre qui présente des effets de perspective spectaculaires, laissant découvrir au spectateur l’infini des Cieux et du Divin ; il s’agit du Triomphe du nom de Jésus sur le plafond de l’église Santa Maria del Gesù à Rome, appelée communément le Gesù. Cependant, on ne peut parler de la peinture baroque italienne sans évoquer le dernier de ses grands peintres, Giambattista Tiepolo. D’abord marqué par le clair-obscur, il adopte rapidement une manière plus lumineuse. Maître des architectures feintes, des ciels et des paysages qui tendent vers l’infini, Tiepolo crée un monde léger, diaphane, expression idéalisée de cet univers imaginaire où triomphe l’idée de complétude. Il faut également citer les fresques des Histoires bibliques et de la Chute des anges rebelles de l’archevêché d’Udine (1726-1728), et celles de l’église des Gesuati (1737-1739), ou encore la décoration du palais Labia (1747-1750), à Venise.

3.2 Sculpture baroque italienne

Il est généralement admis que la Sainte Cécile (1600, Santa Cecilia del’Trastevere, Rome) de Stefano Maderno (1576-1636) constitue la première sculpture baroque. Ses courbes simples et son efficacité émotive se démarquent nettement d’autres œuvres contemporaines. C’est pourtant le Bernin qui domine la sculpture baroque en Italie. Parmi ses premières réalisations, l’Enlèvement de Proserpine (1621-1622), et Apollon et Daphné (1622-1624, toutes deux à la galerie Borghèse, Rome) soulignent sa virtuosité dans le travail du marbre. Par des jeux d’ombre et de lumière, il parvient à créer une tension théâtrale extrême. L’Extase de sainte Thérèse (1646-1653, chapelle Cornaro de l’église Sainte-Marie-de-la-Victoire, Rome) est exemplaire dans sa volonté de toucher le spectateur par une émotion bouleversante, mais contenue et intellectualisée puisqu’elle s’adresse à l’imagination. Le Bernin excelle également dans l’art du portrait, comme le prouvent ceux de Costanza Buonarelli (v. 1635, musée national du Bargello, Florence) et du Pape Innocent X (v. 1647, galerie Doria-Pamphilj, Rome). Son unique rival dans cet art reste certainement l’Algarde.

Parmi les commandes publiques de l’époque du « plein-baroque », les fontaines romaines sont souvent les plus spectaculaires. La fontaine des Quatre-Fleuves (1648-1651), édifiée par le Bernin sur la place Navone à Rome, est l’une des plus célèbres. Commandée par le pape Innocent X, elle est organisée autour d’un obélisque tronqué, et présente quatre allégories ainsi que des colosses en équilibre sur des roches d’où jaillissent des cascades.

3.3 Architecture baroque italienne

Dès la fin du XVIe siècle, l’architecture italienne annonce le baroque en intégrant cette nouvelle manière expressive dans des compositions architecturales élaborées. La plus importante de ces architectures annonciatrices du baroque reste sans doute l’église du Gesù. Cet édifice, commencé par Vignole et dont la façade est réalisée par Giacomo Della Porta, répond à une commande des jésuites, conforme aux orientations culturelles de la Contre-Réforme. Son plan en croix latine à une seule nef sera souvent repris par la suite, notamment pour les autres églises de la Compagnie de Jésus. Ses proportions architecturales s’inspirent, en réalité, des théories développées par Alberti au XVe siècle.

Trois grands architectes dominent la période architecturale baroque : le Bernin, Borromini, et Pierre de Cortone. Bien qu’il ait conçu quelques grands édifices profanes, le Bernin s’est surtout consacré à l’architecture religieuse. Outre son exceptionnelle contribution à Saint-Pierre de Rome (1656-1667), il faut citer ses trois réalisations majeures : San Tommaso da Villanova à Castel Gandolfo (1658-1661), la collégiale d’Arricia, Santa Maria dell’Assunzione (1662-1664), et surtout Sant’Andrea al Quirinale, commencée en 1658.

Francesco Borromini, rival du Bernin, est l’un des grands rénovateurs du vocabulaire architectural. Succédant à Carlo Rainaldi, il achève sur la place Navone l’église Sainte-Agnès (commencée en 1652), imprimant à sa façade des inflexions savantes. Cependant, Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines édifié entre 1665 et 1667, célèbre pour ses lignes en ellipse qui se répondent de l’intérieur à l’extérieur, demeure sans doute l’une des plus hautes expressions de l’architecture baroque italienne.

Pierre de Cortone, qui a également largement contribué à l’évolution du baroque italien, consacre toutefois la plus grande partie de sa vie à la peinture. à travers les façades des églises Santa Maria in Via Lata (1658-1662) et Santa Maria della Pace (1655-1657), il a su échapper au maniérisme italien pour allier à la grandeur romaine un savant raffinement plastique.

Aux côtés de ces trois grands maîtres, d’autres architectes ont participé à l’édification de la Rome baroque, telle que la souhaitait le pape Pie V. Carlo Maderno aura précédé le Bernin à Saint-Pierre de Rome. Entre 1606 et 1612, il termine la nef de l’édifice et sa façade commencée un siècle plus tôt par Donato Bramante. Il convient aussi de citer Carlo Fontana, Martino Longhi le Jeune (1602-1660), Girolamo (1570-1655), et Carlo Rainaldi (1611-1691).

Le baroque architectural se développe dans d’autres grandes villes italiennes au début du XVIIe siècle. Guarino Guarini, à Turin, et Baldassare Longhena (1598-1682), à Venise, sont tous deux des figures de premier plan. à Venise, Santa Maria della Salute (1631-1687), élevée en ex-voto après la peste de 1630, est considérée comme le chef-d’œuvre de Longhena. Les compositions de Guarino Guarini à Turin renforcent la théâtralité des lieux : la coupole de la chapelle du Saint-Suaire (1667-1694), qui s’élève à une hauteur inhabituelle, exprime la brisure de la perspective traditionnelle.

4 L’art baroque en Espagne :
1590-1690

4.1 Peinture baroque espagnole

Le baroque espagnol du XVIIe siècle n’aura guère été influencé par le maniérisme du Greco. Il s’inspirera plus de l’art italien et opérera une subtile synthèse entre le mysticisme du Greco et la technicité d’un Caravage. Après une période de forte influence italienne sous le « plein-baroque » (1590-1620), des artistes espagnols vont progressivement s’attacher à un art figuratif exprimant l’identité espagnole par un certain goût pour la mise en scène monumentale, les scènes populaires, les effets de masse et l’extraversion comme sentiment noble et unique. On appellera ce mouvement « l’école sévillienne ».

à l’époque de la Contre-Réforme, Vincente Carducho (1578-1638), artiste d’origine florentine, importe en Espagne un style qui rompt avec le maniérisme traditionnel. Juan Sánchez Cotán Fray (v. 1561-1627), Juan Van der Hamen (1596-1631), peintres de natures mortes, mêlent l’influence hollandaise et le caravagisme. à Valence, le « luminisme » du Caravage caractérisera encore l’œuvre de Francisco Ribalta (1565-1628), influencé par le Titien et par Jusepe de Ribera. Séville et Madrid deviennent les deux plus grands centres du baroque espagnol, notamment grâce à Juan de Roelas (mort en 1625), Francisco Pacheco, et Francisco Herrera le Vieux. Installé à Séville dès 1629, Francisco de Zubarán subit l’influence du caravagisme et de la technique de la sculpture polychrome. Il travaille presque exclusivement pour les couvents et les monastères.

Les œuvres du Caravage circulent à Séville à partir de 1603 et suscitent beaucoup d’intérêt, notamment chez Vélasquez. En 1623, celui-ci s’installe à Madrid et devient le portraitiste de Philippe IV. Il travaille pour la cour, commence à représenter des thèmes mythologiques, et réalise de nombreux portraits royaux tels que les Ménines (1656, musée du Prado, Madrid).

Contemporains de Vélasquez, Alonso Cano et Murillo sont comme lui originaires d’Andalousie. Cano, également sculpteur et architecte, réalise l’un des rares nus du baroque espagnol, le Christ aux Limbes (1645-1650, Los Angeles County Museum of Art) qui le rendra célèbre pour ses rendus délicats de peau. Murillo est, avant tout, un peintre religieux. Il apporte au baroque espagnol une majesté et une poésie manifeste dans l’Immaculée Conception (1678) de l’hôpital des Vénérables de Séville. Un des meilleurs représentants de « l’école sévilienne » est encore Juan de Valdés Leal (1622-1690), dont la peinture mouvementée, qui décrit la passion parfois jusqu’à la violence, est souvent considérée comme l’apogée du baroque espagnol. à Madrid, la dernière génération de peintres baroques compte Francisco Rizi (1614-1685), Juan Carreño de Miranda (1614-1685) et Claudio Coello (1642-1693), artistes qui cultivent un style inspiré du baroque italien.

4.2 Sculpture baroque espagnole


L’art italien influence peu la sculpture baroque espagnole, qui demeure, pour l’essentiel, une poursuite de la tradition médiévale de la sculpture sur bois. Le réalisme et l’extrême souci du détail la caractérisent. On distingue principalement une tradition provenant du centre de l’Espagne, et une tradition méridionale, justement appelée « école méridionale ». Les sculptures sur bois sont généralement polychromes et les visages sculptés sont parfois dotés d’yeux de verres, de vrais cheveux ou de vêtements. Parmi ces plus belles pièces figurent de nombreux retables en bois polychromes, souvent de grandes dimensions et richement décorés. Citons, parmi les artistes qui les ont réalisés, Gregorio Fernández (1576-1635), certainement le plus grand sculpteur du centre de l’Espagne, installé la majeure partie du temps à Valladolid, tandis que « l’école méridionale » est représentée par Juan Martinez Montañes (1568-1649) et Juan de Mesa (1538-1627) pour Séville, Pedro de Mena (1628-1688) et Alonso Cano (1601-1667) pour Grenade.

4.3 Architecture baroque espagnole

L’architecture espagnole du « plein-baroque » reprend les motifs austères du palais et du monastère de l’Escurial (1563-1582), près de Madrid, lors de la construction du palais du Buen Retiro (commencé en 1631, aujourd’hui détruit) à Madrid. La façade réalisée par Alonso Cano pour la cathédrale de Grenade (conçue en 1667) réutilise des éléments traditionnels, mais sa décoration extérieure laisse entrevoir un fort style baroque. Les édifices baroques les plus décorés se trouvent en Andalousie. L’hôpital des Vénérables de Séville (1687-1697), construit par Leonardo de Figueroa, en constitue l’un des exemples les plus représentatifs. Dans le reste du pays, et notamment à Barcelone, Madrid et Salamanque, les Churriguera imposent un style exubérant qui est à l’origine de l’adjectif « churrigueresque ».

4.4 Le baroque et le Nouveau Monde


Parmi les grands centres de l’Amérique latine sous influence espagnole, le Mexique, le Guatemala (la ville d’Antigua), le Pérou (Cuzco et Lima), ainsi que le Brésil (Minas Gerais) subissent l’influence de l’architecture ibérique, par l’intermédiaire des jésuites notamment. De même, les peintures du Caravage, de Zurbarán et de Murillo marquent profondément les artistes locaux. à Cuzco, les peintures associent décorations indigènes et personnages de type européen. La sculpture décorative locale est également introduite et intégrée dans la composition des églises baroques churrigueresques. Grâce au missionarisme jésuite, traditions locales et influences espagnoles se fondent en un baroque américain singulier et exubérant tourné vers le didactisme religieux et la magnificence locale.

5 Le baroque en Europe du Nord : « plein-baroque » et « classicisme »

Dès le « plein-baroque », des artistes d’Europe du Nord, partis étudier en Italie, répandent à leur retour les caractères baroques de l’Europe du Sud. Mais, chaque pays du Nord interprète et utilise cet apport d’une manière différente, selon sa situation politique, économique, géographique et religieuse, afin que le baroque serve l’expression d’une revendication identitaire, nationale ou régionale. Ainsi, le baroque de l’Europe du Nord se distingue de celui d’Europe du Sud en ce qu’il insiste sur la concentration de l’espace, la miniaturisation, la gravure, et un vif penchant pour l’intimité et les scènes familiales.

5.1 Le baroque flamand

Le baroque flamand reste dominé par Rubens. L’influence du Caravage, des frères Carrache et de Michel-Ange est déjà manifeste dans ses œuvres de jeunesse telles que l’Enlèvement des filles de Leucippe (v. 1618, Alte Pinakothek, Munich). Mais c’est à la période de maturité de son œuvre, composée de couleurs flamboyantes, de structures dynamiques et de formes féminines et sensuelles, que la peinture baroque flamande atteindra véritablement son apogée. Anthony Van Dyck, élève de Rubens, s’inscrit à sa suite comme rénovateur de l’art du portrait (Portrait de Charles Ier à la chasse, 1635, musée du Louvre, Paris). Jacob Jordaens et Adriaen Brouwer sont plus connus pour leurs scènes paysannes, qui influencent également David Teniers et Adriaen Van Ostade.

Les sculpteurs baroques flamands puisent leur inspiration dans l’art italien. François Duquesnoy (1594-1643) travaille avec le Bernin à Rome. On lui doit la gigantesque statue de saint André à Saint-Pierre de Rome en 1633. Le style « à l’italienne » est tout autant visible en architecture, comme dans l’ancienne église de Saint-Charles-Borromée (1615-1621, aujourd’hui transformée en musée), à Anvers.

5.2 Le baroque des Provinces-Unies

Au tournant du XVIIe siècle, de nombreux artistes hollandais tels que Hendrick Goltzius restent attachés au maniérisme. Le caravagisme est introduit aux Pays-Bas lorsque plusieurs artistes, dont Gerrit Van Honthorst et Hendrick Ter Brugghen (1588-1629), rentrent d’Italie. C’est dans les années 1620 précisément qu’il se développe à Utrecht. Toutefois, il est plus juste d’évoquer des caractères baroques que de parler d’un véritable baroque hollandais. La peinture de Frans Hals réunit ainsi, entre les années 1620 et 1640, certaines spécificités baroques comme le goût de l’émotion et de la vitalité, l’art de saisir la spontanéité du modèle, les axes en diagonales (le Joyeux Buveur, v. 1628-1630, Rijksmuseum, Amsterdam). Chez Rembrandt, la parenté avec le baroque se manifeste entre 1632 et 1639.

Parmi les peintres de genre ou de paysage, maîtres des perspectives travaillées à travers une porte ou une fenêtre, il faut citer Pieter De Hooch et Jan Steen, qui utilisent parfois certains procédés baroques. Quant à Vermeer, la tradition le classe plutôt dans les artistes « classiques ». Il n’appartient déjà plus au « plein-baroque » au sens strict. Son habileté méticuleuse et sa maîtrise délicate de la couleur font également de lui un artiste hors normes.

Jusqu’en 1650, la sculpture hollandaise, dominée par Hendrick De Keyser (1595-1657), reste très marquée par l’influence italienne. Une exubérance fortement baroque apparaît dans les sculptures flamandes lorsque des artistes des Pays-Bas espagnols sont chargés de décorer l’Hôtel de Ville d’Amsterdam. Le plus remarquable d’entre eux est Artus. L’édifice (aujourd’hui Palais royal), commencé en 1648 suivant les plans de Jacob Van Campen (1595-1647), incarne le goût prononcé de l’époque pour un classicisme qui s’est rapidement répandu grâce, notamment, aux publications de Palladio.

5.3 Le baroque anglais

La peinture baroque anglaise reste dominée par la présence de Rubens et de Van Dyck, qui ont influencé une génération entière de portraitistes. La sculpture est marquée à la fois par les styles italien et flamand. La Banqueting House (1619-1622, Londres) de l’architecte anglais Inigo Jones, maison londonienne dont le plafond est décoré de l’Allégorie de la Paix et de la Guerre (1629) de Rubens, relève davantage l’influence renaissante de Palladio que celles d’architectes baroques. Christopher Wren, en revanche, fait cohabiter l’enseignement de Borromini et l’influence de Bramante dans les plans de la cathédrale Saint-Paul (commencée en 1675, Londres). Wren, chargé de la reconstruction de Londres après le grand incendie de 1666, aura laissé à la Grande-Bretagne un style baroque propre.

6 Le baroque français

La France reste un cas particulier dans ses rapports avec l’influence baroque. Au début du XVIIe siècle, la tradition de « l’école de Fontainebleau » était encore très suivie. Ainsi, en 1619, la chapelle de la Trinité à Fontainebleau était décorée des tableaux de Martin Fréminet (1567-1619) et les gravures de Jacques Callot et de Jacques de Bellange (v. 1575-1616) continuaient de s’inscrire dans la tradition maniériste. Cependant, la majorité des peintres français du début du XVIIe siècle ont suivi leur formation à Rome, au contact des différentes écoles italiennes. Certains ont ainsi introduit en France le caravagisme, dont on trouve l’écho dans les clairs-obscurs de Georges de La Tour. D’autres, comme les frères Le Nain ou Philippe de Champaigne, ont eu davantage de liens avec les peintres flamands. Les influences sont donc diverses, les interprétations variées, et les frontières floues. Ainsi, bien qu’il ait passé la plus grande partie de sa carrière à Rome sous le « plein-baroque », Poussin est devenu un artiste « classique » en France.

à la fin du « plein-baroque », la création française semble donc osciller entre un art exubérant et un art ordonné et univoque : le « classicisme ». En sculpture, François Girardon et Antoine Coysevox peuvent être jugés selon les critères du « plein-baroque » comme selon les critères « classiques ». L’Enlèvement de Proserpine (1694-1699) de Girardon appartient à la fois au « classicisme » par son sujet édifiant et sa force mesurée et maîtrisée, et au « plein-baroque » par son dynamisme et son emphase. Pierre Puget, élève de Pierre de Cortone, s’inscrit, quant à lui, dans une esthétique « classique ».

En architecture, le début du XVIIe siècle est marqué par le mariage de la brique et de la pierre dépourvue de saillies, bien éloigné des courbes et contre-courbes italiennes. Au milieu du siècle, François Mansart tente même de fonder un classicisme à la française en alliant les ordres antiques aux toits élevés. Toutefois, cela ne l’empêche pas de s’approcher du baroque romain avec son projet pour la chapelle du Val-de-Grâce (commencée en 1645).

7 Le baroque germanique

La guerre de Trente Ans (1618-1648) en Allemagne, la présence des Turcs en Autriche, et les guerres contre les Tchèques empêchent les influences baroques de se répandre dans ces pays — du moins, au cours du XVIIe siècle. Néanmoins, elles se font sentir chez certains artistes du début du XVIIe siècle, comme Adam Elsheimer ou Johann Lys (v. 1595-1629), qui se tiennent tous deux en contact avec l’Italie et contribuent à l’élaboration du « plein-baroque » allemand. Dès la seconde moitié du XVIIe siècle, la Bavière catholique devient le lieu du développement d’un style baroque particulier qui s’explique par l’adhésion de ses différents souverains à l’art italien, et par le développement du mouvement jésuite qui se répand dès le début du XVIIe siècle dans les régions européennes bordant le Danube. Mais c’est encore davantage au XVIIIe que le baroque, puis le rococo, marquent un essor extraordinaire, notamment en architecture, en sculpture et dans les arts décoratifs. L’architecture religieuse des pays germaniques et, dans une moindre mesure, l’architecture civile connaissent un développement sans précédent dans lequel l’influence de l’art « classique » français est manifeste.

En Bavière, l’art et l’architecture sont soutenus par l’électeur Maximilien II Emmanuel (1622-1726). Entre 1680 et 1750, des personnalités de premier plan émergent. Dominikus Zimmermann (1685-1766) signe l’un des chefs-d’œuvre de l’art baroque en Europe, l’église de pèlerinage de Wies (1746-v. 1756). Le bâtiment est d’une structure ovale, lumineuse, d’une décoration polychrome éclatante. Les frères Cosmas Damian Asam (1686-1739) et Egid Quirin Asam (1692-1750), respectivement peintre et sculpteur, font également œuvre d’architectes pour la célèbre église de Saint-Jean-Népomucène à Munich (1733-1746). Il faut encore citer Johann Michael Fischer (1691-1766), architecte de l’abbatiale d’Ottobeuren (1737-1766). Le baroque, puis le rococo, qu’ils ont contribué à édifier en Bavière, ont atteint une très haute qualité et se sont répandus dans la Souabe voisine.

L’Autriche a abrité un foyer baroque très actif dû, principalement, à la reconquête jésuite en Europe de l’Est et à l’influence combinée de l’Allemagne. Vienne se couvre de palais spectaculaires construits par Fischer von Erlach et Hildebrandt, et d’abbayes édifiées par Jakob Prandtauer (1660-1726). C’est à ce dernier, autodidacte de génie, que l’on doit la restauration de l’abbaye bénédictine de Melk, devenue grâce à lui l’un des joyaux de l’art baroque autrichien. L’Apothéose du prince Eugène (1718-1721), sans doute l’œuvre la plus surprenante du sculpteur Balthasar Permoser (1651-1732), pourrait illustrer le baroque autrichien de l’époque.

Plus au nord, la Prusse s’est ouverte au baroque avec Schlüter, sculpteur et architecte, disciple du Bernin. Le château de Sans-Souci à Potsdam, œuvre de plusieurs architectes dont Georg Knobelsdorff (1699-1753), constitue un des exemples les plus élégants du baroque prussien.

Le baroque s’est terminé avec le préromantisme. En l’espace de deux siècles, il a parcouru l’Europe. Il préfigure, à sa manière, ce que deviendra l’Europe moderne, à la fois portée vers l’unification, à la fois soucieuse de conserver ses antagonismes.

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